Livre/CD (format 15 x 21 cm, 80 pages) à paraître aux éditions Le Castor Astral


est un recueil à deux voix, deux langues. Distinctes. Conniventes.
Voix singulières et complices autour de cette tentative de dire la posture de l'étrange(r).
Qu'il soit provoqué, assumé, ou plus souvent subi, refoulé à la marge, l'état de cet être étrange(r),
irréductible autrui, traverse errant les textes croisés d'Itxaro Borda et David De Souza, en cette édition bilingue (basquefrançais).

Faire de son propre corps, isolé, bordé de finitude mais corps social, signifiant, pulsionnel, corps dans tous les regards, faire de ce corps total le siège de l'autre, par pure empathie, juste pour voir...
Découvrir ici cet autre je. Par le langage, la musicalité, le chaloupé des pas et le drapé des silhouettes qui s'avancent...



Porté par les Productions de l'Orchestre Maigre, collectif pluridisciplinaire travaillant depuis 10 ans à intriquer littérature, musique, danse, graphisme, et à brouiller définitivement les pistes, À N(O)US MÊMES ÉTRANGE(R)S est la photographie instantanée d'un projet itinérant de création en résidences (le Rocher de Palmer à Bordeaux, et l'espace Baroja à Anglet, avec la participation de l'Iddac et du Centre Culturel Basque – EKE), avec une sortie de résidence publique sur chaque lieu.



Outre les deux auteurs – récitants, la proposition mêle quatre musiciens (Olivier Kako Cavalié, Nicolas Sajous, Marc Mouchès et Pierre Thibaud), une danseuse (Léa Cornetti), un graphiste illustrateur (James Gélabert) et une illustratrice (Lise Boissinot).



Ainsi, le support comprend un enregistrement audio des textes mis en musique, dans la forme destinée à être interprétée sur scène.

Itxaro BORDA : textes, lecture
David DE SOUZA : textes, lecture
Olivier Kako CAVALIÉ : contrebasse, guitare, …
Nicolas SAJOUS : piano, claviers, guitare électrique, cajon, …
Marc MOUCHÈS : saxophones, flûtes
Pierre THIBAUD : batterie, percussions multiples
Léa CORNETTI : danse
Lise BOISSINOT : illustrations
James GÉLABERT : illustrations & maquette

Catherine LURO (booking)
catherineluro@gmail.com
06 32 75 19 83

 

 

 

DAVID DESOUZA

LA POESIE DECHARNEE

Les Productions de l’Orchestre Maigre

 

Devant la disparition programmée de l’objet disque et le remplacement sur le marché de ses divers supports (vinyle, compact, cassette audio) par d’impalpables fichiers numériques, deux attitudes sont actuellement envisagées. La première consiste à s’adapter aux méandres de son époque, à encourager ou organiser le téléchargement légal et payant, voire à fournir le client potentiel en clés USB personnalisées, bourrées jusqu’à la gueule de kilo-octets sonnants et trébuchants – une entreprise imaginée voici quelques années par le directeur d’une usine de pressage qui s’en était ouvert à votre ami Théo Jarrier. La seconde prend évidemment le parfait contre-pied de la précédente et suggère de magnifier l’objet en question jusqu’à lui conférer le statut exemplaire d’œuvre d’art. Heddy Babaker et le label Un Rêve Nu ont récemment publié un album archétypique de cette dernière manière, diffusé en une centaine de spécimens numérotés, chacun rehaussé d’un projet pictural inédit (car. Les diverses chroniques du « Running away » de Guillaume Viltard in Improjazz 159 et 161). De même, Les Productions de l’Orchestre Maigre font-elles paraître aujourd’hui un livre disque édité avec grand soin, relié à la main et consacré à la poésie de David DeSouza, homme de plume et de parole dont les textes passent aussi bien à l’écoute qu’à la lecture, simultanément ou séparément.

Il nous est assez difficile d’émettre un avis sur la réalisation ultime de l’ouvrage, n’ayant reçu qu’une version audio de cette « Poésie Décharnée ». Dame, avec un tel prix de revient, on ne prend pas le risque de couvrir la presse d’exemplaires numérotés pouvant tout aussi bien échouer, dès le lendemain, dans les bacs des soldeurs ! Malgré tout l’oreille attentive tendue aux textes de David DeSouza et aux réactions sonores de Nicolas Sajous et Olivier Cavalié s’est avouée suffisamment comblée pour que l’audition en justifie à elle seule l’acquisition. Le garçon sait écrire, mêlant avec bonheur un lyrisme visionnaire et une sécheresse du constat quasi chirurgicale. Quand le cosmos rejoint ainsi les chiffres et leur implacable nudité, on n’est jamais bien loin d’un tragique politique à outrance rien moins qu’humaine. L’acteur le dispute d’ailleurs à l’auteur au long cours de dérives langagières dont l’érotisme parfois le plus cru blêmit sous le scalpel analytique d’un verbe glacial et d’une voix heurtée, au rythme intrinsèquement syncopé. Un sacré sens de la phrase et une syntaxe qui n’occulte en rien la puissance du propos !

Quant aux deux musiciens qui partagent cette longue aventure (pas loin de 75 minutes, quand même), leur discrétion n’empêche d’apprécier ni leur culot. DeSouza ne s’est pas entouré d’accompagnateurs, mais de créateurs innovants maîtrisant à merveille le langage de l’improvisation. Les traditionnels piano, guitare, flûte, vocaux, basse et autres percussions assument sans difficulté le voisinage de tout un matériau brut suggérant plus Duchamp que Dubuffet. Pas, pneus, tôle, pluies de clous et bruitages divers dessinent un paysage constant et mouvant que la cithare, xaphoon, dun-bau ou guitare frappée traversent d’éclairs délicats et indispensables. Le sampler démultiplie la voix du poète, la décale imperceptiblement, la détaille en chœurs et en canons. Les mots et les sons s’enlacent sans façon dans cette divagation onirique où le sens, malgré tout, garde le rôle principal. Et si, à l’issue d’une première audition, on serait bien incapable d’interpréter la pensée de l’auteur, évoquant tout au plus la possibilité d’un discours centré sur les notions insécables de sexe et de politique, on ne saurait surtout prétendre qu’il s’agit simplement de musique recourant parfois à la sonorité des mots.

Un livre disque, donc, façonné avec amour autour d’un homme d’écriture et de rythme, dont chaque exemplaire est un objet unique fiché en plein cœur d’une époque virtuelle. Le tout pour 25 petits euros… A ce prix là, Messieurs Dames, ce n’est plus du militantisme, c’est du plaisir à l’état brut !

 

Joël PAGIER (Improjazz fevrier 2010)